Marseille, la plus ancienne ville de France, porte fièrement le surnom de « cité phocéenne ». Cette appellation évocatrice plonge ses racines dans l’Antiquité, témoignant d’une histoire riche et fascinante qui remonte à plus de 2600 ans. Mais quelle est l’origine exacte de ce surnom ? Comment s’est-il ancré dans l’identité marseillaise au fil des siècles ? Et quel impact a-t-il aujourd’hui sur la culture et le rayonnement de la ville ? Plongeons dans les méandres de l’histoire pour découvrir les secrets de cette cité méditerranéenne au passé grec.
Origines historiques de la fondation de massalia par les phocéens
L’histoire de Marseille commence vers 600 av. J.-C., lorsqu’un groupe de marins grecs originaires de Phocée, une cité d’Asie Mineure, accoste sur les rives de la Méditerranée. Ces intrépides navigateurs, à la recherche de nouveaux horizons commerciaux, sont immédiatement séduits par le site naturel qu’offre la calanque du Lacydon, l’actuel Vieux-Port. La fondation de Massalia, qui deviendra plus tard Marseille, marque ainsi le début d’une aventure millénaire.
L’expédition de protis et gyptis en 600 av. J.-C.
La légende de la fondation de Marseille s’articule autour de deux personnages emblématiques : Protis, le chef de l’expédition phocéenne, et Gyptis, la fille du roi local des Ségobriges. Selon le récit traditionnel, Protis est invité à un banquet par le roi Nann, où Gyptis doit choisir son époux. Contre toute attente, la princesse offre la coupe nuptiale à l’étranger grec, scellant ainsi l’alliance entre les deux peuples et donnant naissance à la cité de Massalia.
Cette histoire, mêlant amour et diplomatie, symbolise parfaitement l’esprit d’ouverture et de métissage qui caractérisera Marseille au fil des siècles. Elle illustre également la rencontre pacifique entre deux cultures, grecque et celte, qui donnera à la ville son caractère unique.
Rôle du comptoir grec dans le commerce méditerranéen antique
Dès sa fondation, Massalia s’impose comme un emporion majeur, un comptoir commercial stratégique dans le bassin méditerranéen. Les Phocéens, réputés pour leurs talents de navigateurs et de commerçants, font de leur nouvelle cité un carrefour d’échanges entre le monde grec et les populations gauloises de l’arrière-pays.
Le port de Massalia devient rapidement un lieu de transit pour de nombreuses marchandises : vin, huile d’olive, céramiques grecques, mais aussi étain et ambre venus du nord de l’Europe. Cette position privilégiée permet à la cité de prospérer et d’étendre son influence le long des côtes méditerranéennes, fondant à son tour d’autres colonies comme Nice (Nikaia) ou Antibes (Antipolis).
Traces archéologiques du port phocéen au Vieux-Port
Les fouilles archéologiques menées dans le quartier du Vieux-Port ont révélé de nombreux vestiges de l’antique Massalia. Les quais antiques, les entrepôts et les épaves de navires découverts témoignent de l’intense activité maritime et commerciale de la cité phocéenne. Ces découvertes permettent aux archéologues de reconstituer avec précision l’organisation du port et la vie quotidienne des premiers Marseillais.
Parmi les trouvailles les plus remarquables figurent les caissons-tonneaux , des structures en bois utilisées pour la construction des quais, ainsi que des fragments de céramiques grecques qui attestent des liens étroits entre Massalia et sa métropole, Phocée. Ces vestiges, exposés au Musée d’Histoire de Marseille, offrent un témoignage tangible des origines grecques de la ville.
Évolution linguistique du terme « phocéen » à « marseillais »
L’appellation « phocéen » pour désigner les habitants de Marseille a connu une évolution sémantique fascinante au fil des siècles. Cette transformation linguistique reflète les changements historiques et culturels qui ont façonné l’identité de la cité.
Étymologie et usage du mot « phocaea » dans l’antiquité
À l’origine, le terme « Phocaea » désignait exclusivement la cité grecque d’Asie Mineure, patrie des fondateurs de Marseille. Les habitants de Massalia étaient alors qualifiés de « Massaliotes ». Cependant, les auteurs antiques commencèrent rapidement à utiliser l’adjectif « phocéen » pour évoquer tout ce qui se rapportait à Marseille, en référence à ses origines.
Cette association entre Phocée et Massalia était si forte que le géographe grec Strabon décrivait Marseille comme « une Phocée transportée ». L’usage du terme « phocéen » s’est ainsi progressivement étendu, englobant non seulement les colons originaux mais aussi leurs descendants et l’ensemble de la culture marseillaise.
Transformation sémantique au moyen âge et à la renaissance
Pendant la période médiévale, le souvenir des origines grecques de Marseille s’estompe quelque peu. Le terme « phocéen » tombe en désuétude au profit de « marseillais ». Cependant, la Renaissance, avec son regain d’intérêt pour l’Antiquité classique, voit ressurgir les références aux racines phocéennes de la ville.
Les humanistes et les érudits redécouvrent les textes anciens mentionnant la fondation de Marseille. Ils remettent au goût du jour l’usage du terme « phocéen » dans leurs écrits, contribuant ainsi à raviver la mémoire de l’héritage grec de la cité. Cette période marque le début d’une réappropriation consciente par les Marseillais de leur passé hellénique.
Officialisation du surnom « cité phocéenne » au XIXe siècle
C’est véritablement au XIXe siècle que le surnom de « cité phocéenne » s’ancre définitivement dans le langage courant. Cette période, marquée par un fort intérêt pour l’histoire locale et les identités régionales, voit fleurir les ouvrages et les études consacrés au passé de Marseille.
Les historiens et les écrivains de l’époque popularisent l’expression « cité phocéenne » dans leurs travaux. Elle devient rapidement un élément incontournable de l’identité marseillaise, utilisée aussi bien dans la littérature que dans la presse ou les discours officiels. Ce surnom acquiert alors une dimension symbolique forte, incarnant à la fois le prestigieux passé antique de la ville et son caractère méditerranéen.
La « cité phocéenne » n’est pas qu’un simple surnom, c’est un véritable condensé d’histoire qui rappelle les origines lointaines de Marseille et son destin de carrefour des civilisations méditerranéennes.
Héritage culturel phocéen dans le marseille moderne
L’héritage phocéen de Marseille ne se limite pas à son surnom. Il imprègne profondément la culture, l’urbanisme et l’identité de la ville moderne. Cette influence grecque antique se manifeste de multiples façons, créant un lien tangible entre le passé et le présent de la cité.
L’esprit d’ouverture et de commerce qui caractérisait les anciens Phocéens se retrouve dans le cosmopolitisme de la Marseille contemporaine. La ville, port majeur de la Méditerranée, continue d’être un lieu d’échanges et de rencontres entre les cultures. Cette tradition millénaire de brassage des populations et des idées fait écho à l’aventure des premiers colons grecs.
Sur le plan urbanistique, la structure même de la ville garde l’empreinte de ses origines grecques. Le plan en damier du centre historique, typique des cités antiques, est toujours visible. Le Vieux-Port, cœur battant de Marseille, occupe l’emplacement exact de l’ancien port phocéen, perpétuant ainsi une tradition maritime vieille de plus de deux millénaires.
Symboles et monuments rappelant l’origine grecque de la ville
Marseille regorge de symboles et de monuments qui témoignent de ses racines phocéennes. Ces rappels visuels de l’héritage grec parsèment la ville, offrant aux habitants comme aux visiteurs un voyage dans le temps jusqu’aux origines de la cité.
Le musée d’histoire de marseille et ses vestiges phocéens
Le Musée d’Histoire de Marseille, situé dans le Centre Bourse, est un véritable trésor pour qui s’intéresse aux origines grecques de la ville. Il abrite une impressionnante collection d’artefacts datant de l’époque phocéenne, dont la pièce maîtresse est sans conteste l’épave d’un navire grec du VIe siècle av. J.-C., découverte lors de fouilles archéologiques.
Les visiteurs peuvent y admirer des amphores , des céramiques et des objets du quotidien qui offrent un aperçu fascinant de la vie à Massalia. Le musée présente également une reconstitution du port antique, permettant de visualiser l’organisation de la cité phocéenne à ses débuts.
La statue de gyptis sur le Vieux-Port
Sur le quai du Port, face à la mer, se dresse la statue de Gyptis, figure emblématique de la légende fondatrice de Marseille. Cette œuvre moderne, réalisée par le sculpteur Alain Chaze en 1989, représente la princesse ligure tendant la coupe nuptiale à Protis, le marin phocéen.
Ce monument symbolise non seulement les origines de la ville, mais aussi l’esprit d’accueil et d’ouverture qui caractérise Marseille. La statue de Gyptis est devenue un lieu de rendez-vous populaire et un symbole fort de l’identité marseillaise, rappelant aux passants l’histoire millénaire de leur cité.
L’influence grecque dans l’architecture marseillaise
Bien que peu de bâtiments de l’époque phocéenne aient survécu, l’influence grecque se fait encore sentir dans certains aspects de l’architecture marseillaise. On la retrouve notamment dans l’utilisation de colonnes et de frontons sur certains édifices publics du XIXe siècle, qui s’inspirent du style néoclassique en vogue à l’époque.
Plus subtilement, l’organisation de certains espaces publics, comme la place Villeneuve-Bargemon près de l’Hôtel de Ville, rappelle l’ agora des cités grecques antiques. Ces références architecturales, même si elles sont plus tardives, témoignent de la volonté des Marseillais de renouer avec leurs racines helléniques.
Impact du surnom « phocéen » sur l’identité et le tourisme marseillais
Le surnom de « cité phocéenne » n’est pas qu’une curiosité historique pour Marseille. Il joue un rôle important dans la construction de l’identité de la ville et dans son attractivité touristique. Cette appellation évocatrice contribue à façonner l’image de Marseille, tant auprès de ses habitants que des visiteurs.
Utilisation marketing du terme dans la promotion touristique
Les offices de tourisme et les agences de promotion de Marseille utilisent fréquemment le terme « phocéen » dans leurs campagnes marketing. Cette référence aux origines grecques de la ville permet de mettre en avant son riche passé et son caractère méditerranéen unique. Le surnom est souvent associé à des images évoquant l’Antiquité, la mer et le soleil, créant ainsi un imaginaire attractif pour les touristes.
De nombreux établissements touristiques, restaurants et boutiques de souvenirs intègrent également le mot « phocéen » dans leur nom ou leur communication. On trouve ainsi des hôtels « Escale phocéenne » ou des restaurants proposant une « cuisine aux accents phocéens », jouant sur cette image pour séduire une clientèle en quête d’authenticité et d’histoire.
Perception des marseillais vis-à-vis de leur héritage grec
Pour de nombreux Marseillais, le surnom de « cité phocéenne » est source de fierté. Il rappelle le passé glorieux de leur ville et son statut de plus ancienne cité de France. Cette référence aux origines grecques alimente un sentiment d’appartenance à une histoire millénaire et à une culture méditerranéenne riche et diverse.
Cependant, la perception de cet héritage varie selon les générations et les milieux sociaux. Si certains Marseillais sont très attachés à cette identité phocéenne et la revendiquent activement, d’autres la considèrent comme un élément parmi d’autres de l’histoire complexe et multiculturelle de leur ville.
L’héritage phocéen de Marseille est comme un fil d’Ariane qui relie le présent au passé, nourrissant l’imaginaire collectif et façonnant l’identité unique de cette cité méditerranéenne.
Événements culturels célébrant les racines phocéennes de marseille
Marseille organise régulièrement des événements culturels qui mettent à l’honneur son passé phocéen. Ces manifestations contribuent à maintenir vivace la mémoire des origines grecques de la ville et à renforcer son attrait touristique. Parmi les plus notables, on peut citer :
- Les Journées de l’Antiquité , un festival annuel qui propose des reconstitutions historiques, des conférences et des visites guidées sur les traces de la Marseille antique.
- Le Massilia Greek Film Festival , dédié au cinéma grec contemporain, qui crée un pont culturel entre la Marseille moderne et ses racines helléniques.
Ces événements ne sont pas seulement des attractions touristiques, mais aussi des occasions pour les Marseillais de renouer avec leur histoire et de célébrer l’héritage culturel unique de leur ville. Ils contribuent à maintenir vivante la flamme de l’identité phocéenne dans le Marseille contemporain.
En définitive, le surnom de « cité phocéenne » est bien plus qu’une simple appellation historique pour Marseille. Il incarne l’essence même de cette ville millénaire, symbole de rencontres et d’échanges entre les cultures méditerranéennes. De ses origines grecques à son statut actuel de métropole cosmopolite, Marseille continue de porter fièrement cet héritage, le faisant vivre au quotidien à travers sa culture, son architecture et son esprit d’ouverture sur le monde.
Alors que la ville se tourne vers l’avenir, elle ne cesse de puiser dans ses racines phocéennes la force et l’inspiration qui la caractérisent. Le surnom de « cité phocéenne » reste ainsi un pont entre le passé glorieux et le présent dynamique de Marseille, rappelant à tous que l’histoire est un voyage continu, dont chaque étape enrichit le récit fascinant de cette cité méditerranéenne unique.